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Alfred Baudrillart

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Alfred Henri Baudrillart
Image illustrative de l’article Alfred Baudrillart
Alfred Baudrillart en 1918.
Biographie
Nom de naissance Alfred-Henri-Marie Baudrillart
Naissance
Paris
Ordre religieux Congrégation de l'Oratoire
Ordination sacerdotale
Décès (à 83 ans)
6e arrondissement de Paris
Cardinal de l'Église catholique
Créé
cardinal
par le
pape Pie XI
Titre cardinalice Cardinal-prêtre
de S. Bernardo alle Terme
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par le
card. Louis-Ernest Dubois
Archevêque titulaire de Mélitène (de)
Précédent Augustin Marre André du Bois de La Villerabel Suivant
Évêque titulaire d'Hemeria (de)
Précédent Giovanni Gigante Paul Justin Cawet Suivant

Signature de Alfred Henri Baudrillart

Blason
(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org
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Alfred Henri Baudrillart, né le à Paris et mort le dans la même ville, est un cardinal français, universitaire, historien, recteur de l’Institut catholique de Paris et membre de l'Académie française. Il a fait campagne pour susciter le soutien international à la France pendant la Première Guerre mondiale, tandis que pendant la Seconde Guerre mondiale il a soutenu le régime de Vichy et la collaboration avec le nazisme.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et formation[modifier | modifier le code]

Petit-fils de l'agronome Jacques Joseph Baudrillart, fils de l'économiste Henri Baudrillart, c'est un arrière-petit-fils, par sa mère née de Sacy, de l'orientaliste Silvestre de Sacy.

Condisciple de Jean Jaurès, d'Émile Durkheim et d'Henri Bergson à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (promotion 1878), il est agrégé d’histoire en 1881 et docteur ès lettres et en théologie. D'abord professeur au lycée de Laval, au lycée de Caen, puis au collège Stanislas à Paris, il entre dans les ordres et rejoint la congrégation de l’Oratoire de Jésus (oratoriens). Il est ordonné prêtre en 1893.

Historien de formation, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont une monumentale histoire de Philippe V et la Cour de France.

Dignitaire de l’Église catholique[modifier | modifier le code]

Professeur à l'Institut catholique de Paris, Alfred Baudrillart succède à Pierre-Louis Péchenard en 1907 et devient recteur de cet établissement d’enseignement supérieur catholique.

Au cours de la crise moderniste, il s'oppose vigoureusement au courant moderniste et préconise l'obéissance à l'encyclique Pascendi Dominici gregis de Pie X[1].

Pendant la Première Guerre mondiale il participe à une tournée de propagande en Amérique. Fortement belliciste, il écrit notamment en , à propos de la guerre :

« Je pense que, en dépit des sacrifices et des douleurs sur quoi il n’y a point lieu de s’étendre – tous nous en sentons l’amertume – ces événements sont fort heureux. Laissez-moi vous dire que, pour mon humble part, il y a quarante-quatre ans que je les attends. (...) Jamais, à aucun moment et sous aucun prétexte, je n’ai donné dans l’illusion pacifiste ; jamais je n’ai cru que la France pût retrouver son rang parmi les nations autrement que par la reprise - et la reprise par les armes – de l’Alsace-Lorraine. (...) La France se refait et, selon moi, elle ne pouvait pas se refaire autrement que par la guerre qui la purifie et qui l’unit. (...)... parmi ces frères qui auront livré ensemble le glorieux et décisif combat, il n’y aura plus ce qu’on appelle d’un nom odieux les ennemis de l’intérieur, plus de parias. Que Dieu nous donne la victoire féconde[2] ! »

Il se plaint, après guerre, qu'on ait ensuite à maintes reprises cité de manière tronquée - en réduisant à cinq lignes un texte qui en faisait soixante-dix - sa lettre au Petit Parisien, en particulier sans en reproduire la fin[3].

Le Paul Claudel, alors consul général de France, et Philippe Berthelot, directeur de cabinet du ministre Aristide Briand, rendent visite au recteur de l'Institut catholique[réf. nécessaire] : ils sont inquiets car, depuis la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège (1904), le gouvernement français, alors que la France est en pleine guerre contre les empires centraux, craint un isolement international qui soit préjudiciable à la défense des intérêts nationaux. Ils lui suggèrent la création d'un organisme catholique qui aurait le soutien du gouvernement français dans le cadre de l'Union Sacrée. Le président de la République, Raymond Poincaré (qui fut un condisciple de Baudrillart au Lycée Louis-le-Grand[4]) s'est par ailleurs déclaré favorable à cette création et assure que l’État en financera l'action.

Le est annoncée la fondation du Comité catholique de propagande française à l'étranger[5] « afin de promouvoir une France patriotique, universelle et religieuse »[réf. nécessaire], dont Alfred Baudrillart demeurera le président jusqu'à sa mort. Son investissement dans cette officine de contre-propagande l'amène à se rendre plusieurs fois à l'étranger, pendant le conflit et au-delà[6].

Entre 1915 et 1919 se créent en Europe et en Amérique (du nord comme du sud) des comités francophones et francophiles qui sont des antennes locales de ce comité de propagande. Après la guerre (1921) ce comité se transforme en une association des Amitiés catholiques françaises dans le monde.

Les prélats Duchesne (à gauche) et Baudrillart (à droite) à leur sortie de l'Académie en 1921.

Le Saint-Siège le nomme Hemeria (de) en 1921, puis archevêque de Mélitène (de). En 1929, il consacre Ange-Marie Hiral[7] évêque titulaire de Sululos (Tunisie) et vicaire apostolique du canal de Suez. Pie XI, qui l'apprécie particulièrement[réf. nécessaire], le crée cardinal en 1935. C'est le doyen des six cardinaux français qui participent au conclave de 1939, à l'issue duquel Pie XII est élu.

Il est élu membre de l'Académie française en 1918 et nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1920, officier en 1931 et commandeur en 1935[8]. Proche des milieux politiques, entre autres du président Raymond Poincaré, du maréchal Foch et d'Aristide Briand, il note dans ses carnets (commencés le et rédigés tous les jours sans aucune interruption jusqu’à son décès) ses déplacements et toutes ses rencontres comme ses activités religieuses et universitaires[9].

La Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Le cardinal Baudrillart avait conspué le régime de Hitler, notamment lors de son discours de rentrée de l'Institut catholique en [10], comme étant païen et inhumain ([le nazisme est une] « barbarie renouvelée du paganisme »), dans la ligne de l'encyclique Mit brennender Sorge publiée en par Pie XI. Mais il était aussi, depuis longtemps, hanté par la peur du bolchevisme, au point d'avoir, en 1930, organisé avec Henry Bordeaux un concours de romans sur le sujet[11]. Il confie en 1936 que cette opération était une commande de Pie XI lui-même[12].

Depuis le début de l'occupation allemande à Paris en 1940, il est sous l'influence de l'espion nazi Kurt Reichl (de), qu'il rencontre fréquemment[13]. Il soutient Pétain « qui regarde la réalité en face »[14] influencé par des lectures d'Abel Bonnard et d'Alphonse de Châteaubriant[15]. Il prône, âgé, malade[16], quasi-aveugle, et sous influence, la collaboration avec l'occupant dès le mois de Juin[17],[18], alors qu'il décrivait dans ses carnets un an auparavant Hitler comme un "monstre"[19].

Il juge en juillet, après Mers el-Kébir, la conduite de Churchill « odieuse »[18], comme beaucoup de Français qui ne voyaient pas l'enjeu stratégique de cette bataille navale. Il invite publiquement, en novembre, les Français à suivre Pétain[20], après le discours de celui-ci, radiodiffusé le , en faveur de la collaboration.

Il appartient au comité d'honneur du groupe Collaboration[21]. Selon Philippe Valode, dont la rigueur scientifique des travaux a été remise en cause par Bénédicte Vergez-Chaignon[22], il adhère au Parti populaire français du fasciste Doriot[23]. En 1941, il apporte tout son soutien à la création de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme[24], déclarant :

« Comme prêtre et comme Français, j'oserai dire que les Légionnaires de la Croisade antibolchevique se rangent parmi les meilleurs fils de France. Placée à la pointe du combat définitif, notre Légion est l’illustration agissante de la France du Moyen Age, de notre France des cathédrales ressuscitées et je dis, parce que j'en suis sûr, que ces soldats contribuent à préparer la grande renaissance française. En vérité, cette Légion constitue à sa manière une chevalerie nouvelle. Ces légionnaires sont les croisés du XXe siècle. Que leurs armes soient bénies ! Le tombeau du Christ sera délivré[25]. »

Il apparaît, début décembre, en tête des membres du comité de patronage de la LVF où figure aussi le chanoine Alphonse Tricot, vice-recteur de l'Institut catholique[26],[27]. Pétain avait fini par dire de lui (recevant une délégation d'étudiants de l'Institut catholique) : « Je l'aime beaucoup. Il est si spirituel ! Mais on me dit qu'il se laisse entraîner plus loin qu'il ne faudrait[28]. »

Le cardinal meurt quasi aveugle, à Paris, dans la nuit du 18 au , à l'âge de 83 ans. Son éloge funèbre est prononcé à l'Académie française, le , par Paul Hazard[29] ; il est enterré à la chapelle des Carmes de l'Institut catholique le [30]. En rappelant la mémoire des otages fusillés par les Allemands le , l'écrivain catholique Paul Claudel proteste, dans une lettre adressée quelques jours plus tard au cardinal Gerlier, contre les honneurs solennels qui lui ont été rendus à Notre-Dame : « Pour l'émule de Cauchon, l’Église de France n'a pas eu assez d'encens. Pour les Français immolés, pas une prière, pas un geste de charité ou d'indignation »[31].

Une messe de requiem est encore célébrée à sa mémoire, le , en présence d'une trentaine d'archevêques et d'évêques, à Notre-Dame de Paris[32].

Les Carnets (1914-1942)[modifier | modifier le code]

À partir du 1er août 1914, Alfred Baudrillart note dans un journal personnel (sous la forme de carnets) les principaux faits qui traversent ses journées, et ce jusqu'à sa mort en 1942[33].

Entre 1994 et 2003, l'historien Paul Christophe s'est attaché à retranscrire et à publier une très large partie de ces pages dans 9 volumes, qualifiés de "monumentale contribution à l’histoire du XXe siècle" par Lucien Jerphagnon[34].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

Iconographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le Livre du centenaire, 1875-1975, éditions Beauchesne, 1975. p. 15, 95, 396, 398.
  2. « Pour la guerre de délivrance : opinions et impressions », Le Petit Parisien, no 13805,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  3. « Revue des livres : correspondance », Études par des pères de la Compagnie de Jésus, t. 225,‎ , p. 286 (lire en ligne)
  4. Le Cri de Paris du 16 février 1913.
  5. « Propagande française », La Croix, no 9807,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  6. Pierre Texier, Voyage, propagande et pratiques diaristiques : la mission espagnole dans les Carnets de Mgr Baudrillart (16 avril-24 mai 1916)., , 167 p. (lire en ligne)
  7. « Le sacre de Mgr Hiral », La Croix,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  8. « Cote LH/143/8 », base Léonore, ministère français de la Culture
  9. Neuf volumes publiés aux Éditions du Cerf.
  10. Christophe 1989, p. 61
  11. Christophe 1992, p. 59
  12. Paul Christophe, 1936 : Les Catholiques et le Front populaire, Éditions de l'Atelier, , 308 p. (présentation en ligne), p. 35
  13. Robert A. Graham, Chapter 9 : « The "French Legion" and the Case of Cardinal Baudrillart », in The Vatican and Communism in World War II : What Really Happened ?, Ignatius Press, p. 84 & 88–89, 1996 (ISBN 9780898705492).
  14. Le , cité par Christophe 1992, p. 60
  15. Christophe 1992, p. 61-65
  16. Henry Bordeaux, Un précurseur, Plon, (ISBN 9782259292733)
  17. Simon Epstein, Un paradoxe français : Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Albin Michel, (présentation en ligne)
  18. a et b Christophe 1992, p. 60
  19. « Le cardinal Baudrillart et ses choix pendant le Seconde guerre mondiale », Revue d'histoire de l'église de France, no 200,‎ (lire en ligne)
  20. « S. Em. le cardinal Baudrillart invite les Français à suivre le maréchal Pétain », La Croix, no 17738,‎ (lire en ligne)
  21. Julien Prévotaux, Un Européisme nazi : le Groupe Collaboration et l'idéologie européenne dans la Seconde Guerre mondiale, Francois-Xavier de Guibert, , 276 p. (présentation en ligne)
  22. « François Broche, Dictionnaire de la Collaboration. Collaborations, compromissions, contradictions », Revue d'histoire moderne et contemporaine, no 62,‎ , p. 208 (lire en ligne)
  23. Philippe Valode, Les Hommes de Pétain, Paris, Éditions Nouveau Monde, (présentation en ligne)
  24. Nicolas Lebourg, « Les anciens SS ont reconstruit l'extrême droite française après 1945 », sur slate, (consulté le )
  25. Propos publiés le par L’Émancipation nationale (périodique du PPF, d'où les mots louangeurs du cardinal à l'égard de son chef, Jacques Doriot : (Entretien avec Mgr Baudrillart, L'Émancipation nationale, 12 décembre 1941). Cf. aussi « Chez nous : les équivoques au silence », Cahiers du Témoignage chrétien, Lyon,‎ 1941-1942, p. 34 (lire en ligne) (l'auteur a un doute sur la réalité de l'entretien obtenu par Maurice-Ivan Sicard, rédacteur en chef de L'Émancipation nationale). Propos également cités par Duquesne 2014 et Fred Kupferman, Pierre Laval, Tallandier, , 672 p. (présentation en ligne)
  26. « Le comité de patronage de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme », Le Matin,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  27. Le Cri du peuple, 4 décembre 1941.
  28. Duquesne 2014
  29. « Après la mort du cardinal Baudrillart », La Croix, no 18199,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  30. « Les obsèques du cardinal Baudrillart », La Croix, no 18200,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  31. Lettre du citée par Jacques Julliard, L'Argent, Dieu et le Diable. Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne, Flammarion (présentation en ligne)
  32. « Un service de "requiem" à la mémoire du cardinal Baudrillart », La Croix, no 18360,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  33. Pierre Texier, Voyage, propagande et pratiques diaristiques : la mission espagnole dans les Carnets de Mgr Baudrillart (16 avril-24 mai 1916), (lire en ligne), p. 4-11, 14-33
  34. Paul Christophe (dir.), Cardinal Alfred Baudrillart, Paris, Cerf, , p. 273-283
  35. « Recherche - Base de données Léonore », sur www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le )

Pour approfondir[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Albert de Mun
Alfred Baudrillart
1918-1942
Octave Aubry
v · m
Composition de l'Académie française au jour de son élection (2 mai 1918)
Par numéro
de fauteuil

11. Denys Cochin
12. fauteuil vacant
13. Pierre Loti
14. Hubert Lyautey
15. Henri Lavedan
16. Alexandre Ribot
17. Frédéric Masson
18. fauteuil vacant
19. Paul Deschanel
20. fauteuil vacant

Par date
d'élection
v · m
Composition de l'Académie française au jour de sa mort (19 mai 1942)
Par numéro
de fauteuil

1. fauteuil vacant
2. Émile Mâle
3. André Chaumeix
4. fauteuil vacant
5. Louis Madelin
6. Pierre Benoit
7. fauteuil vacant
8. Alfred Baudrillart
9. fauteuil vacant
10. Léon Bérard

Par date
d'élection